Voilà, ce que je craignais était finalement arrivé : la mélancolie m'avait rattrapée. J'avais essayé de lui échapper, mais je n'avais pas couru assez vite et elle s'était abattue sur moi avec la violence d'un ouragan. Toute aussi dévastatrice. J'avais mal, terriblement. Errant comme une âme en peine chez moi, je ne savais pas comment échapper à cette souffrance. J'étais morte, mais on avait décidé de m'accorder une autre chance, de prolonger mon tourment. Je ne pouvais mourir sans de l'aide. Oh je pourrais tenter de me faire tuer. Mais avant, j'avais quelque chose à accomplir.

Mon maquillage avait coulé. Je restais à me regarder fixement devant le miroir. J'étais vêtue d'un corset, d'un string noir, de bas résilles. Mes longs cheveux blonds tombaient autour de moi. J'avais l'air d'une poupée brisée. Triste à mourir. Je me souvenais comme si c'était hier de mon geste. De ma façon de casser le miroir, de m'emparer d'un morceau tranchant et de l'appliquer sur mon avant bras. Mon sang s'était écoulé en même temps que ma vie et je m'étais vue mourir.

Gabriel me manquait atrocement. J'étais toujours amoureuse de lui, malgré tout, malgré les années, malgré ma haine, malgré la trahison. J'étais accroc à lui comme on pouvait être accroc à la drogue. La drogue. Comme un automate, je me dirigeai vers une petite commode, l'ouvrant et prenant un petit sachet de poudre blanche. J'étais une démone, je ne pouvais pas mourir d'en prendre. Si cela pouvait me faire tout oublier... Je m'installai et me fis un rail, sniffant la poudre blanche et me laissant aller contre le dossier du canapé. Mais ce n'était pas suffisant. Oublier la douleur, juste un peu.

Je me levai, un peu bancale et allai chercher un bouteille de vodka. Je bus au goulot, longuement, avant de m'écrouler au sol. Allongée sur le tapis, je quittai la terre, je quittai mon corps et je planai. Tout était soudain plus beau, plus léger. J'avais la tête comme dans du coton et plus rien ne pouvait m'atteindre. J'étais invincible. Je ne pouvais pas mourir, je ne pouvais plus souffrir. Plus jamais je n'aurais mal avec ça. Ce n'était pas une solution, mais la solitude était insupportable.

Je n'en pouvais plus. J'étais allongée au sol, les jambes sur le côté, le dos contre le tapis, la tête tournée. J'étais bien. Alors pourquoi une larme humidifiait-elle ma joue? Me détruire ne servait à rien, je le savais bien. C'était une fuite, pas une solution. Mais c'était tentant, si tentant.

Mon doigt appuya sur la sonnette avec un entrain un peu idiot. Ma main libre tenait entre les siens un sac estampillé Mac Do. Alors oui, on ne mangeait pas spécialement équilibré mais l’obésité ne risquait pas de nous tuer, ni de nous prendre en fait. Je me retournais sur la rue, patientant, laissant mon regard errer sur les voitures qui passaient parfois devant l’habitation d’Erika. Puis, au bout de quelques minutes, je fronçais légèrement les sourcils et recommençait.

Sa voiture était garée a son emplacement pourtant, elle devait donc être chez elle et mon deuxième coup de sonnette obtint le même effet que le premier. Il vrilla l’air mais seul le silence lui répondit. Mais que foutait Erika ? Cette fois je frappais.

« Erika ! C’est Freddie ! »

J’avais crié assez fort pour qu’une mémé promenant son chien me fusille du regard mais je me contentais de hausser une épaule désinvolte en l’entendant marmonner contre ses jeunes sans respect de nos jours. Ben voyons ! Mais l’inquiétude m’envahit soudainement. Pourquoi Erika ne répondait elle pas ? Peut être était elle dans le jardin ? Enfin, si jardin était le terme que l’on pouvait employer pour ce petit carré de verdure attenant a l’habitation bien sur. Je fis donc le tour, personne. Bon cette fois, ça m’inquiétais vraiment, a tel point que je n’eus aucun scrupules a revenir devant la porte d’entrée et a faire jouer la clenche…Aucune résistance, c’est donc qu’elle était là. J’entrais doucement.

« Erika ? Tu es l… »

Je me figeais net en découvrant par la porte entrouverte du salon une paire de jambes au sol. Je lâchais tout sur place pour me précipiter dans la pièce, ouvrant grand le battant pour la voir enfin…Allongée a même le sol, sur le tapis, le regard hagard. Une fraction de seconde me suffit pour voir la bouteille sur une commode…La paille sur la table basse et des restes de poudre sur le plateau de bois. Un muscle joua sur ma mâchoire alors que l’azur de mes yeux tournait a l’orage.

« Erika ! Qu’est ce que tu as foutu ?! »

Murmurais je en me penchant sur elle, après m’être laissé tomber a genoux a coté d’elle. Je la secouais par les épaules.

« Erika tu m’entend ?! Hé ! »

Je la secouais plus fortement, les dents serrées avant de la prendre dans mes bras pour l’emmener dans la salle de bain. Elle avait bu, s’était droguée, elle n’en mourrait pas c’était certain mais elle n’était qu’une poupée de chiffon, une marionnette désarticulée, l’œil perdu sur le vide, sur ses démons intérieurs.

« Qu’est ce qui t’a prit bordel !? »

Je savais son mal être, je le connaissais et je me demandais soudain si elle venait pas de s’écrouler, si durant quelque instant, elle n’avait pas réellement souhaité mourir pour oublier la douleur. J’entrais dans la cabine de douche avec elle, ces jambes ne la portait plus et ouvrir en grand le robinet, un jet d’eau glacé me frappa le visage, humidifia nos vêtements mais je m’en foutais du moment qu’elle reprenne ses esprits.

Un bruit. Strident, désagréable. J'aurais aimé me boucher les oreilles pour ne plus l'entendre. J'essayai d'en faire fi, me contentant de chantonner d'un air absent. C'était quoi ce bruit? Ça me dérangeait. Et puis une voix. Quelqu'un m'appelait. Allez au diable, laissez-moi tranquille. Mais la voix insistait. Comme un insecte qui bourdonne près de votre tête et ne se décide pas à vous laisser tranquille. Cette voix me disait quelque chose, mais j'étais trop dans mon petit monde pour seulement mettre un nom dessus. Je voulais juste la paix.

Ce que l'on ne m'accorda pas.

Qu'est-ce que j'ai foutu? Rien, je n'ai rien fait. J'ai juste demander un peu d'oubli. C'est pas grave, dans quelques heures, il n'y paraitra plus. Je ne vais pas mourir. Je suis à l'abri de l'overdose. Va-t-en, laisse moi... Je fermai les yeux et on m'attrapa par les épaules pour me secouer. Je rouvris les yeux, mais je n'arrivais pas à fixer mon attention. Je papillonnais des paupières, m'accrochant à mes rêves d'héroïne. On me souleva alors et je n'opposais aucune résistance. Ma tête et mon corps étaient comme déconnectés, je ne pouvais plus le diriger. Ni même émettre le moindre son. Malheureusement, l'intrus me forçait à redescendre sur terre. Fini mon beau voyage. La douleur engourdie était sur le point de se réveiller...

Malgré moi, je laissais échapper un petit cri de surprise quand un jet d'eau froide me fouetta la peau. Je sursautai et rouvris les yeux. C'est là que je me rendis compte que j'étais dans les bras de Freddie, lui aussi trempé.

- "Arrête, c'est glacé!"

Je frissonnai violemment et commençai à me débattre, sans réelle force. Mon corps ne me suivait toujours pas. Je renonçai alors et enfouis mon visage dans mes mains en me mettant à pleurer, petite chose pitoyable, en vérité.

- "J'étais toute seule et j'avais trop mal. Je ne supporte plus ce poignard dans mon cœur Freddie. Je le hais, je le déteste! Je le tuerais! Mais je n'arrive pas à le sortir de ma tête! Je l'aime encore. Ça me tue! As-tu déjà aimé quelqu'un qui n'a fait que se servir de toi? Je ne suis rien pour lui, rien! Et il était tout pour moi..."

Je sanglotais, mes paroles hachées par mes pleurs. Jamais je n'avais avoué à quel point j'aimais encore Gabriel, à quel point son souvenir m'empoisonnait. Combien je pouvais penser à ses caresses sur mon corps, à ses lèvres sur ma peau, à son regard sur moi...

« Il était…Justement ! »

M’exclamais je en la saisissant par les épaules, comme indifférent a son chagrin ou a ses larmes, ce qui était totalement faux en fait.

En fait, je ne comprenais pas vraiment pourquoi j’étais si soudainement en colère. Peut être parce qu’un abruti comme Gabriel pouvait faire autant de mal…Sans doute. C’était un idiot manipulateur et le soucis était qu’il savait devenir ce que vous vouliez qu’il soit. Il n’avait aucun remord, aucun regret, il usait des gens, utilisait sans vergogne, sans une once de pitié et ça me faisait chier de la voir dans cet état a cause de lui.

« Merde Erika ! Tu vas le laisser te faire du mal pendant encore combien de siècles ? Hein dis moi ?! Tu veux te venger ?! Mais regarde toi ! tu ne pourrais pas le regarder dans les yeux sans flancher ! »

Alors oui, j’étais un salop de lui sortir ça comme ça, sans que cela ne se laisse deviner, avec une brutalité qui ne me ressemblait pas vraiment. Du moins, jamais avec elle. Mais elle ne pouvait pas comprendre ce que je pouvais ressentir a la voir ainsi détruite. Ni même ce que je pouvais penser de ses projets de m’utiliser que je devinais sous jacent.

« Un mot et tu t’écroulerais lamentablement a ses pieds ! »

Parce qu’elle n’arrivait pas a se débarrasser de son image, qu’elle s’accrochait a un vengeance qui ne permettait pas l’oubli, parce qu’elle se trompait et qu’elle m’emmenait avec elle. Je savais que je ne pourrais pas la laisser tomber, quand bien même elle me jetterait son amour a la figure. Elle n’y pouvait pas grand-chose en fait…

Finalement, je poussais un lourd soupir, soudainement calmé, soudainement…Résolu je pense. Je m’essuyais le visage d’une main lasse avant de couper l’eau. J’avais froid. Trop froid sans doute et je savais que ce n’était pas du au froid.

« Tu fais n’importe quoi pour un abruti, Erika et tout ce que tu y gagne, c’est qu’il doit être satisfait de son œuvre… »

Je secouais doucement la tête en la lâchant d’un geste las. J’l’entourais d’un bras pour l’aider a sortir de sa cabine de douche, on dégoulinait de partout, mon sweat me collait a la peau et que dire de mon jean…Ma mèche n’était qu’un souvenir mais je m’en fichais en fait…

« Viens, je vais m’occuper de toi. »

Je tressaillis quand Freddie m'attrapa par les épaules, me raidissant malgré moi, comme attendant un coup qui ne vint pas. Non, jamais Freddie ne me frapperait, pourtant, je sentais dans son attitude, dans sa voix qu'il était en colère. Je rentrai la tête dans les épaules, sentant venir l'orage. Et j'avais raison. Je tremblais de froid, oui, mais pas seulement. Il me faisait mal. Pas physiquement, mais chaque parole était une dague enfoncée dans mon cœur. Il avait raison, et c'était ça le pire. J'étais persuadée que je pourrais tuer Gabriel, lui faire du mal, mais je pouvais aussi bien flancher devant son charme, devant son sourire... Serais-je capable de le tuer, de lui arracher le cœur? De regarder la vie quitter son regard avec son cœur frémissant dans ma main? J'en avais rêvé, mais les fantasmes et la réalité étaient si différents. Les vérités que m'assenaient Freddie étaient terribles, cruelles. Un mot et je m'écroulerais à ses pieds... Vraiment? Étais-je si faible? Si manipulable? Je jouais un rôle, celui de la jeune femme sûre d'elle, adulée, qui avait tout ce qu'elle désirait, qui pouvait tuer sans sourciller son ancien amant, mais si, au fond, je n'étais que cette étudiante trop naïve? Ne bernais-je que moi-même?

Je resserrai mes bras autour de moi, le regardant sans rien dire, les larmes se mêlant à l'eau glacée qui continuait de fouetter mon corps, le réveillant. Mes cheveux devaient pendre lamentablement et mon maquillage outrancier devait me manger tout le visage, en de longues rigoles noires. Je devais avoir l'air pitoyable. Freddie s'était brutalement calmé et moi je restais muette. Stupéfaite de cet accès de rage. Pourquoi se mettait-il ainsi en colère contre moi? J'étais malheureuse, terriblement malheureuse, ne pouvait-il pas le comprendre.

Il me lâcha enfin, se contentant de m'aider à sortir de la douche. J'étais mal assurée sur mes jambes. Avec douceur, il proposa de m'aider. Je hochai doucement la tête. avant de me laisser tomber doucement à terre, complètement prostrée. Anesthésiée.

- "Je suis hyperactive pour fuir cette mélancolie qui me poursuit sans relâche. Elle n'est jamais loin, Freddie, jamais. Je l'ai aimé à la folie. J'ai cru en ces mensonges. Une vraie conne... Mais j'étais si insignifiante... Banale, lisse, sans attraits. Qu'un mec comme ça s'intéresse à moi, c'était... magique. Mes copines bavaient de jalousie. J'étais enfin celle que l'on enviait. Il était parfait avec moi, je ne voyais pas à quel point il m'entrainait dans la destruction... Jusqu'au bout je n'ai pas voulu voir. Et quand on m'a ouvert les yeux, mon seul acte de courage a été de le quitter. Mais même cela, je n'ai pas réussi à l'assumer..."

Je passais un doigt sur mon poignet, là où l'éclat du miroir l'avait tranché, dans un geste désespéré.

- "Je suis morte pour lui... Mais cela ne m'a pas apporté le repos que je voulais... La vengeance est la seule façon de ne pas demander à un ange de m'arracher le cœur pour qu'il cesse enfin de me faire souffrir. L'Erika superstar, langoureuse, sure d'elle, ce n'est pas moi... J'aimerais tellement, mais je ne suis pas aussi forte. Tu as raison, il continue à avoir une emprise sur moi."

Je levai alors mon grand regard bleu, barbouillé de noir et empreint d'une détresse infinie vers lui.

- "Et je n'arrive pas à m'en échapper."

Un sanglot manque m'étrangler et je me recroquevillai sur moi même.

- "J'ai froid."

Et pas seulement en dehors. Car à l'intérieur, j'étais glacée...

J'avais envie de sangloter davantage encore quand Freddie me demanda, avec douceur, si je pensais vraiment pouvoir percer à jours les manigances du Séraphin deux fois millénaires, en ayant à peine deux décennies. Il avait une expérience monstrueuse, quand je n'étais que naïveté. Il avait raison, aucun mortel n'aurait pu deviner que sous le visage angélique se cachait le diable. J'eus un sourire intérieur en pensant ainsi. Non, en vérité, le méchant dans l'histoire, c'était Dieu, pas Satan. Il y avait encore des expressions courantes que j'utilisais et qui étaient totalement erronées. Il essayait maladroitement de me remonter le moral, en parlant des autres qui s'étaient faite avoir. Et de mon avantage de savoir ce qu'il était.

Tu parles d'un avantage! J'avais beau savoir que c'était un fumier, le fait était que j'avais bien peur que Freddie n'ai raison : je ne serais pas capable de punir Gabriel comme il se doit une fois en face de lui. J'étais beaucoup moins puissante que lui, hélas. J'étais déterminée, mais encore trop amoureuse pour être réellement efficace. Cela me rendait malade d'être aussi faible et manipulable alors même qu'il n'était plus près de moi. Je regardai Freddie sans comprendre quand il parla de ma vengeance. J'écarquillais les yeux, choquée, répliquant d'une petite voix :

- "Tu me demandes de renoncer? De le laisser encore détruire d'autres vies? Si je ne le fais pas, qui l'arrêtera?"

Néanmoins, même si je ne relevais pas, je notai qu'il me qualifia de magnifique à l'époque. J'étais sceptique, et je mis ça sur le compte de ses essais pour me réconforter. Non, je n'étais pas magnifique, j'étais quelconque, une petite sourie insignifiante. J'étais jolie, mais ma timidité m'empêchait de l'exploiter. Je m'étais rattrapée aujourd'hui. Les doigts de Freddie se glissèrent sous mon menton et je levai le visage vers lui, suite à la douce pression de sa main. Il essuya mes joues avec une serviette, continuant sur ma vengeance, sur le fait que je n'existais que pour Gabriel. Ses paroles me frappèrent. C'était vrai. C'était pathétiquement vrai. Dés que je relâchais ma vigilance, la tristesse prenait le pas sur la colère, mais les deux sentiments étaient liés à Gabriel. Je levai un regard implorant vers lui, avant de murmurer :

- "Et à quoi?"

A quoi devais-je me raccrocher? A qui? A lui? Devais-je oublier le passé et me concentrer sur ce que le présent m'offrait? Un garçon gentil, doux, protecteur, plutôt sexy en plus, qui prenait soin de moi et était là que je sois heureuse ou malheureuse? Si seulement c'était aussi facile! Si je pouvais mettre une croix sur Gabriel et ne plus jamais y songer!

J'aurais voulu qu'il se taise. Qu'il cesse de me balancer mes 4 vérités et de réduire à néant toutes mes illusions. J'avais envie de boucher mes oreilles et de chanter à tue tête comme une enfant qui ne veut pas écouter un parent. Mais je ne pouvais pas faire cela. Non, parce que même si ça faisait mal, il avait raison et continuer de m'illusionner ne ferait que me mener à ma perte. Freddie avait raison : c'était une vengeance purement égoïste. Comme j'aurais aimé pouvoir faire mal à Gabriel comme lui, il m'avait fait mal! Piétiner ses valeurs, son âme, lui arracher le cœur, lui faire endurer mille tourments pour le punir d'avoir ainsi jouer avec moi et avec toutes les autres. Mais il était vrai que j'avais besoin de ça pour rester debout. La preuve en était que je m'écroulais dés que je ne m'y accrochais plus. Je vivais un véritable enfer. Je tentais de chasser mes démons intérieurs, de me réfugier dans une musique outrancière, dans le look qui allait avec, de jouer un rôle, de faire bonne figure, mais tout cela, ce n'était que du vent.

Et il posa alors une question qui me fit l'effet d'un coup de massue. Je l'avais déjà effleurée, mais je ne m'y étais pas attardée. Oui, que ferais-je si, par miracle, je tuais le séraphin? Je ne savais pas. Si la haine ne me portait plus, si je n'avais plus d'autre but, alors que me resterait-il pour vivre mon éternité? Rien. Ce serait le purgatoire jusqu'à ce que je meures pour de bon. Et cette perspective n'avait rien de réjouissant. Il fallait presque que Gabriel ne meurt jamais, que je puisse continuer à avoir un but. De toutes façons, en tentant de le tuer, je mourrai, je le savais. Je n'avais aucune chance.

- "Alors que dois-je faire? Hein? Toi qui as l'air de tout savoir, dis-moi quoi faire? Si tu as un bouton pour arrêter de souffrir, pour cesser d'aimer, vas-y appuie! Moi, je n'ai pas la solution, je ne peux pas cesser de ressentir sur commande!"

Ma voix avait retrouvé un brin de vigueur sous le coup de la colère. Il ne faisait que détruire ce que j'avais créé dans mon esprit, sans rien m'apporter d'autre en compensation! Qu'il m'apporte des solutions puisqu'il savait tout! Il passa à un autre sujet, en me demandant de me sécher et de me changer, au risque de tomber malade. J'eus un sourire amer en songeant à ma voix... Il proposa alors d'écrire une chanson quand j'étais dans cet état là. Cette fois, j'eus un rire aussi bref qu'un aboiement.

- "Génial comme idée. Le taux de suicide de mes fans va grimper en flèche si je chante ça."

Si je transposais ma peine en paroles et mélodie, oui, ils allaient surement se demander ce qu'il m'arrivait. Et cela ne serait plus du rock violent, mais une sorte de musique soul qui prendrait aux tripes. Je n'étais pas certaine d'être capable de me livrer ainsi, de mettre mon âme à nue. Mécaniquement, je me redressai et commençai à retirer mes affaires, me moquant que Freddie me voit nue. Franchement, ça m'était complètement égale en cet instant. Les bas tombèrent au sol, de même que le corset et enfin le string. Je m'enveloppai dans une serviette, m'essuyant de façon automatique, avant de récupérer un peignoir et de l'enfiler pour préserver la pudeur de Freddie.

- "Je suis sèche."

Et maintenant? Je n'avais plus le courage de réfléchir. Je voulais juste m'allonger et plonger dans l'oubli, une nouvelle fois.

Pourquoi est-ce que je me recroquevillais alors qu'il haussait la voix lui aussi et me répliquait sèchement que quand bien même il aurait une solution, il ne me la donnerait pas? Pourquoi se montrait-il aussi dur avec moi? J'avais besoin de ses bras autour de moi, de paroles gentilles et réconfortantes, qu'il s'apitoie avec moi sur mon sort... Mais au lieu de cela, il se montrait dur, me mettant face à mes erreurs, à mes faiblesses, impitoyablement. J'eus un petit rire sarcastique quand il continua en disant que c'était à moi de trouver, pas à lui. Un rire qui sonnait faux, désespéré. Un rire bizarre, qui me fit froid dans le dos et me semblait discordant.

- "Avoue ta propre impuissance au lieu de tenter de m'enseigner quoique ce soit."

Non, parce que ce genre de conseils, merci, mais je n'en avais pas besoin. Tu dois trouver seule, tu as la force en toi, oublie ta haine, trouve-toi un autre but, arrête de l'aimer... Autant de conseils qui étaient judicieux, mais absolument vides de sens pour moi et impossibles à appliquer en l'état actuel des choses. Je ne faisais que rire à ses propos. Je ne me moquais pas de lui, non, mais de moi-même, de ma propre vie, pathétique au possible. J'étais pathétique et je ne comprenais pas qu'il ne me laissa pas là et aille s'amuser loin d'une pauvre fille dépressive et accroc à ce qui lui faisait du mal.

- "Ce serait peut-être le mieux... M'enfermer dans une bulle, loin de la réalité..."

Mais ma voix, bien que rêveuse, n'était pas convaincue. J'aurais aimé pouvoir faire cela, mais je ne pouvais pas le faire. Non, cela ne resterait qu'une chimère après laquelle je soupirerais en sachant ne pouvoir la réaliser. Je m'écartai de Freddie et entrepris de me déshabiller et de me sécher, avec des gestes mécaniques. Il n'y avait plus rien d'aguicheur en moi alors même que je me retrouvais nue l'espace de quelques instants devant lui. Dans mon état normal, j'en aurais joué. Mais là, j'étais simplement fatiguée.

D'un hochement de tête mécanique, j'acquiesçai alors qu'il proposait que j'aille me coucher. oui, j'avais besoin de dormir. Mais lui, à quoi devait-il réfléchir? Je ne demandais pourtant pas, toute vivacité, toute vie semblant m'avoir quitté, alors que j'allais dans ma chambre et me glissais dans mon lit, me recroquevillant en position fœtale, le regard complètement vide.

Je devais me ressaisir, je savais que je devais relever la tête, mais je ne trouvais pas les ressources nécessaires pour y parvenir...

J’avais pris une serviette, histoire de me sécher les cheveux. Ca démarrait mal, je le savais pertinemment. Elle n’était pas en état de m’écouter et moi, pas très open pour réfléchir sereinement. Son histoire avec Gabriel la minait profondément et elle refusait de voir un avenir où il ne serait pas. Je n’y pouvais pas grand-chose et sans doute avait elle raison sur un point, parler était plus facile que d’agir.

Une nouvelle bouffée de colère me comprima la gorge alors qu’elle m’envoyait proprement balader. Je jetais rageusement la serviette au sol.

« Et bien démerde toi ! C’est sur que la bulle est sécurisante, espèce de lache. »

Dis je avec un rictus furieux avant de quitter la salle de bain sans un mot de plus. Malgré ce que j’avais dit, je ne la laisserais pas tomber. C’était ça le pire. J’aurais du tout simplement la laisser dans sa merde puisqu’elle refusait de voir autre chose que son foutu Gabriel ! Mais je ne pouvais pas oublié qu’elle était l’une des rares a m’avoir sourit lorsque j’étais arrivé a la Salvare. Même si parfois, je me demandais si ma..puissance n’y était pas pour quelque chose plutôt qu’une quelconque admiration pour mes actes. C’était débile. Je la laissais rejoindre sa chambre et marchais presque pensivement vers le salon. Mes gestes étaient mécaniques alors que je rangeais le bordel qu’elle y avait mis. Tout ça pour un connard manipulateur….Parfois, je me demandais si Gabriel était conscient du mal qu’il faisait. Un ricanement m’échappa. Bien sur qu’il le savait, il comptait même la dessus. C’était sa manière d’opérer et, comme dirait un fan de Star War, il poussait vers le coté obscur de la force.

Je me passais une main dans les cheveux, regardant sans vraiment le voir le salon désormais propre et net. J’avais jeté la paille et le reste de coke, vidé son bar aussi, en résistant a un bon verre de vodka histoire de me remettre les idées en place. Je n’aimais pas forcément me disputer avec elle, mais parfois, c’était inévitable.

Je passais du salon a la cuisine et m’occupais a faire du café en attendant qu’elle se réveille. Ca au moins, ça ne demandait aucune reflexion. Dans un placard, je trouvais des tasses, j’en pris une avec une minnie peinte dessus et ça me fit sourire avec une pointe d’ironie. Erika ne serait donc jamais qu’une gamine ? Secouant la tête avec dérision, je me servit une tasse de café odorant avant d’y mettre un sucre. M’accoudant au rebord de la fenêtre, je buvais mon café a petites gorgées, attentif aux sons qui pourraient provenir de sa chambre.

En fait, l’idiot pathétique, je crois bien que c’était moi dans cette histoire….