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 No need to say goodbye [PV Alice]

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Blake Earl



Féminin Age: 18
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Date d'inscription: 07/02/2022

MessageSujet: No need to say goodbye [PV Alice]   Dim 13 Fév - 20:15

On était venu nous chercher en cours de mathématiques, une leçon qu'Alice suivait plus souvent que les autres avec des gens de son âge, même si le prof parlait deux fois plus lentement avec elle qu'avec les autres, ce qui était passablement énervant pour tout le monde, Alice la première. En tant que déléguée de classe et officiellement déclarée la fille la moins timide du lycée voire de toute l'école voire de toute la ville, c'était moi qui avais écopé de la tâche de m'en occuper et de la guider dans ce monde tentaculaire qu'était l'Angleterre, charge dont je m'étais acquittée consciencieusement et qui m'avait pris trois minutes puisque je m'étais vite rendue compte qu'elle parlait parfaitement notre langue et n'était pas plus déstabilisée que si elle avait simplement changé de ville dans son pays d'origine. Cependant, nous étions restées amies, et d'ailleurs je me sentais bien plus proche d'elle que de mes autres camarades, avec qui je m'entendais très bien mais dont je me doutais que je perdrais le contact dès que nous irions plus loin dans nos études. Même si ça semblait en désespérer certains, je ne m'en faisais pas. C'était ça la vie mon coco, déjà que je m'excitais pour un rien, si je commençais à m'inquiéter pour ça, j'avais pas fini d'enchaîner les crises de nerfs. Alors Alice, elle traînait avec moi à l'école et avec Giulia à l'extérieur. On avait notre petit groupe, on sortait parfois toutes les trois ensemble, même si j'étais parfois en retrait, ça ne me dérangeait pas. On était bien toutes les trois et jamais, au grand jamais je n'aurais pu imaginer la nouvelle qui nous tomba dessus ce jour-là.

C'était la proviseure qui était venue, et qui n'avait d'abord appelé qu'Alice, avant d'hésiter alors que son regard se portait sur moi et de me demander de venir aussi. On a marché le long du couloir en se demandant ce qui se passait. On avait pourtant fait aucune connerie particulière, mais elle n'avait pas l'air de vouloir nous raconter une bonne blague. On s'est assises dans son bureau sans piper mot, dans les fauteuils confortables prêts à s'écrouler sous le poids des années.

- Blake... Connaissais-tu une dénommée Giulia Monteverdi ?

Je tournai mon regard vers Alice, nos yeux se croisèrent, et je revins vers la proviseure. Je hochai la tête sans desserrer les lèvres. Comment connaissait-elle Giulia, et comment savait-elle que nous nous connaissions ? Elle avait quitté le lycée depuis quatre ans déjà, et je crois qu'elle n'était même pas dans celui-ci.

- La maman d'Alice vient de nous appeler. Je me suis dit qu'il pouvait être bon de te prévenir aussi pour que tu puisses la soutenir, comme vous êtes assez proches... Si tu la connaissais, c'est aussi bien.

Je me crispai en entendant l'imparfait, sans avoir pourtant réalisé pourquoi. Et elle, elle continuait à parler.

- Alice, je suis vraiment désolée mais... Ton amie... Ton amie est décédée ce matin dans un terrible incendie.

Bug. Gros bug. Mon pied qui tapotait obstinément le sol en un bruit particulièrement agaçant se figea aussitôt, comme tout le reste de mon corps, alors que je regardais droit devant moi, sans vraiment voir ce qui était en face de mon regard fixe. Je comprenais les mots, mais je n'arrivais pas à les assembler bout à bout. Incendie... Décédée... Giulia ? Le silence devenait lourd.

C'était tellement injuste. C'était impossible. Elle allait trop mal en ce moment, elle ne pouvait pas avoir subi ça en plus de tout le reste ! Et je m'entendis le dire spontanément, de la façon la plus stupide qui soit, sans la moindre considération pour Alice qui était, je le savais, bien plus proche de Giulia que je ne l'étais moi. Le silence était trop insupportable pour que je le laisse s'installer définitivement. D'une voix blanche, j'énonçai :

- Non. Impossible.

Juste impossible. Elle ne méritait pas ça. Pourquoi ? POURQUOI ?

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Alice Manet
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MessageSujet: Re: No need to say goodbye [PV Alice]   Dim 13 Fév - 20:44

Je détestais tellement cette école de plouc.

C’était un fait que personne ne pouvait réfuter. Ça se voyait dans mon visage, dans ma façon d’agir. Tout dans mes paroles presque crachées au corps enseignant et dans mon mépris évident des élèves. Déjà, si on m’avait foutue dans une classe avec des jeunes de mon âge, c’aurait probablement été un peu mieux pour ma santé mentale. Mais non, ils étaient tous idiots dans le coin. Visiblement, la matière que j’avais déjà vue en France, je devais la revoir intégralement ici, dans ce bourg anglais. Comme si le changement de langue m’avait tout fait oublié de mes connaissances. C’était ça, le pire : qu’ils me prennent tous pour une pauvre idiote. Ils me parlaient comme si j’étais un enfant de deux ans et j’avais beau leur répéter que je parlais et comprenais très bien la langue, ils s’entêtaient. J’avais cru que c’était peut-être mon accent au début, mais j’avais vite observé que ce malentendu ne se produisait que chez les adultes. Giulia me comprenait parfaitement. L’avorton de Ciel n’avait eu aucun problème au cours d’anglais. Même Blake, qu’on avait chargé de me veiller, avait abandonné à la première journée quand elle s’était rendue compte que je n’étais pas une attardée. Elle était quand même restée à mes côtés. C’étaient mes seules vraies amies, Blake et Giulia, mais je préférais l’Italienne. Les autres filles n’étaient que des accessoires inutiles à ma panoplie. Blake, Giulia, Laurys. Ma vie était comblée.

- Alice – à l’anglaise, ça donnait quelque chose comme Aïlysh dans la bouche du prof de math, seul cours avec les arts et le sport qu’on m’ait autorisé à suivre, alors que les adolescents prononçaient très normalement Alice. Alice, tu…pourrais…me….mon-trer….tes….devoirs ?

Je roulai des yeux ce qui provoqua le fou rire silencieux de Blake sur ma droite.

- Je comprends très bien votre langue, monsieur. Je pense vous l’avoir déjà dit des dizaines de fois, fis-je pour la forme avant de lui tendre ma feuille.


Aussitôt après, on cogna à la porte. J’en profitai pour regarder sur mon cellulaire. J’avais une réponse au texto de Laurys qui me disait d’arrêter de lui parler pour me concentrer sur le cours, mais c’était si commun que je ne m’en souciais plus. En revanche, aucunes nouvelles de ma meilleure amie depuis hier soir, ce qui était étrange. Je rangeai rapidement le blackberry lorsque monsieur j’enseigne-les-maths-mais-je-n’ai-aucune-logique se retourna vers moi. J’avais très bien compris ce qu’elle avait dit, mais il cru bon de répéter avec une lenteur exagérée :

- Alice, la…proviseure…celle…qui s’occupe…de…l’école…veut te voir.
- Allez-vous faire foutre, bon dieu, répliquai-je. En Français, évidemment.


Je sortis avec Blake et me laissai guider jusqu’au bureau. Je n’étais pas nerveuse parce que, pour une fois, on n’avait rien fait de spécial. Par contre, puisque mon amie et moi-même comptions parmi les filles en vue de l’école, j’étais quasiment certaine qu’on voulait nous demander d’animer une soirée. La Française et l’Anglaise. Très bon concept. Je ne saisis donc pas tout de suite ce qu’elle a dit au sujet de Giulia. Je compris vraiment lorsque la voix de Blake brisa le brouillard qui semblait s’être mis devant mes yeux.

Je sortis en courant du bureau pour me retrouver dans la cour de l’école, avec le vent froid qui fouettait mon visage. J’avais très envie de vomir, mais rien ne se passait. Pire, l’image de Giulia brûlant repassait en boucle dans mon esprit. Je l’imaginais en train de hurler. La bile monta cette fois et j’étais accroupie en me tenant le ventre lorsque je vis Blake débouler, seule. Sans vraiment me préoccuper d’elle, je sortis mon téléphone et textai Giulia. Il était impossible qu’elle ne me réponde pas, n’est-ce pas ?

Gi, where r u ? Need 2 talk 2 u right now !!!!!
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Blake Earl



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MessageSujet: Re: No need to say goodbye [PV Alice]   Dim 13 Fév - 21:08

Figée, complètement figée, c'était une première pour moi, et là, être vidée de toute émotion, alors que c'était ce à quoi j'aspirais toujours en temps normal, ne me plaisait pas du tout. C'était comme si mon cœur avait cessé de battre, comme si j'avais cessé de vivre. C'était la première fois que j'apprenais la mort de quelqu'un. Les parents de ma mère étaient décédés avant ma naissance, elle n'avait ni frère ni sœur, et je ne connaissais pas mon père et encore moins sa famille, alors forcément ça limitait. Je me sentais morte, pourtant non, j'étais vivante, terriblement indécemment vivante ! Je pouvais supporter beaucoup de choses, pourtant, mais là c'en était trop pour moi. Ce n'était pas normal qu'une fille si gentille, si joyeuse, si jeune meure ainsi ! Un incendie ? Un incendie dû à quoi ? A présent que le choc initial était passé, des centaines de questions se bousculaient à mes lèvres, mais je n'arrivais pas à les prononcer. Je me réveillai brutalement lorsque j'entendis la porte du bureau claquer.

Alice. Bordel, j'en avais oublié Alice. Qui était certainement encore plus choquée que moi. Qui s'était littéralement enfuie sans dire un mot. Je me levai précipitamment, et je réussis même à trouver je ne sais où la force de dire cette phrase de politesse extraordinairement banale et déplacée :

- Excusez-la, elle ne voulait pas... Je vais m'occuper d'elle. Pardon. Au revoir !

Je m'en allai sans attendre la réponse à mon tour, réalisant sans le réaliser que ce que je venais de dire était parfaitement stupide, qu'elle l'aurait excusée avec ou sans mon intervention étant donné les circonstances. Je courus après Alice, nos semelles martelant le couloir, je me heurtai même à Hartwood qui retournait en salle des profs un café à la main, café qui se déversa sur sa chemise mais je n'en éprouvai même pas de satisfaction. Il n'eut pas le temps de m'interrompre ; la peur de ce que pourrait faire Alice était cent fois plus forte que n'importe quelle pseudo autorité venant d'un prof à la con.

Dans la cour, il faisait froid, très froid, trop froid, et le vent me pétrifia sur place. Je restai à distance lorsque je la vis s'arrêter. Je restai à distance sans trop savoir pourquoi. Parce que vu comment elle s'en était allée, elle voulait peut-être tout simplement rester seule. Mais je ne pouvais concevoir qu'on veuille rester seule pour un truc pareil. Il fallait le faire sortir, non ? Autrement qu'en vomissant, si possible. Et Alice, elle ne dessinait pas, elle ne dansait pas. Ce fut à mon tour de sentir mon estomac se retourner lorsque je la vis sortir son portable. Instinctivement, je savais ce qu'elle faisait. Mais je trouvais ça terriblement malsain d'écrire à une morte. C'était comme si on avait reçu quelque chose de sa part, c'était absurde, illogique et horrifiant. Je sortis un mouchoir de ma poche, me dirigeai d'un pas décidé sur elle et lui arrachai son portable des mains.

- Ça sert à rien, Alice, ça sert à rien ! criai-je d'une voix hystérique qui s'envola dans le vent.

Je lui tendis le mouchoir pour qu'elle puisse s'essuyer la bouche. Je me rendis soudain compte que j'étais en larmes. Je m'agenouillai à ses côtés et la pris dans mes bras, secouée de sanglots convulsifs et incontrôlables. Ils m'arrachaient les poumons et la gorge, mais putain, j'avais dit qu'il fallait que ça sorte. Ça faisait mal. Affreusement mal.

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Alice Manet
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MessageSujet: Re: No need to say goodbye [PV Alice]   Dim 13 Fév - 21:44

J’attendais, j’attendais en tremblant de tout mon corps que le téléphone se mette à vibrer dans ma main. Que le simple petit écran blanc s’éclaire soudainement avec la mention nouveau message. Je voulais son nom, son écriture familière, cette indication qui me dirait que j’avais mal compris. Parce que c’était évident que j’avais mal compris. Giulia ne pouvait pas être morte, c’était ridicule. Elle avait 21 ans ! Elle avait du talent, elle était belle, c’était la meilleure. Alors non, elle ne pouvait pas être morte. Mais même si je restais là à regarder mon cellulaire, aucun message ne me parvenait. Aucun message ne me parviendrait jamais.

Je n’entendis pas Blake arriver derrière moi. C’était aussi bien comme ça, parce que franchement je n’étais pas certaine que je l’aurais laissée faire. Je me serais sauvée, parce que cette fille était trop vraie. Ses yeux pleins de compassion et de larmes étaient criants de vérité et me blessaient plus que tout. Ça me confirmait ce que je ne voulais pas admettre. Un sanglot se coinça dans ma gorge, mes yeux s’humectèrent et une goutte salée eu le temps de choir sur mon téléphone avant que Blake ne me l’arrache. Mais peu m’importait ce qu’elle me criait, que ça ait un sens ou non. Giulia était morte. Je pouvais bien être piétinée dans les vingt prochaines secondes ! Ma meilleure amie, mon repère, elle n’était plus là. L’espace d’un instant, je me demandai si je ne pouvais pas en faire un vœu non refusable pour mon démon. Mais il refuserait. Ça faisait partie des choses qu’il devait refuser.

Je grelottais et je claquais des dents lorsque je m’effondrai contre la seule amie qui me restait. Je la serrais si fort que j’aurais pu l’étouffer, mais je m’en moquais. Je ne pouvais pas faire autrement, c’était comme si mon corps se refusait à m’obéir. En l’agrippant ainsi, mon cœur échouait contre le sien et il pouvait battre à l’unisson. Oublier qu’il avait mal, voilà : c’était comme lorsqu’on avait une crampe et qu’on se tenait le ventre pour refouler la souffrance. À ceci près que Giulia n’était pas une crampe. Elle était réelle. Je l’aimais.

Je ne savais même pas comment je me sentais. Ça ne se décrivait pas, si ? On ne pouvait pas expliquer ce genre de sentiments. Ceux qui avaient perdus des êtres chers savaient très bien de quelle hauteur on tombait. C’était une chute vertigineuse, sans parachute. Un haut-le-cœur sans précédent, on ne pouvait plus penser, on ne pouvait plus respirer. Et il y avait cet instant avant la chute, pendant lequel on ne pensait plus. Tout semblait suspendu. Et puis la première pierre dégringolait et on avait le goût de hurler, mais plus rien ne voulait sortir. Ceux qui n’avaient fait aucun deuil ne pouvaient même pas s’imaginer ce que c’était. Ça ne s’inventait pas. J’étais vide, mais j’avais si mal.

Les secondes passaient lentement pendant que je pleurais toujours en cœur avec Blake. Seulement, ça ne me soulageait même pas. Il fallu que deux adolescents passent en nous dévisageant pour que je réagisse enfin. Sur leurs visages, la moquerie. Ils avaient l’air de nous dire ‘’ voyons les filles, qu’est-ce qu’il y a ? Un mort, peut-être ? ‘’. Oui, il y avait un mort. Giulia Monteverdi. La fille de quelqu’un. La petite amie d’un mec. Ma meilleure amie. La sœur d’un pauvre jeune gars. Elle était tangible ! J’avais envie de leur crier, qu’ils ravalent leurs soupirs. Mais il ne fallait pas être bien pour penser aux autres dans un moment pareil. Je fermai les yeux en tentant de me rappeler de la dernière chose que je lui avais dite. Je t’aime. Tu es la meilleure. Mais je n’y arrivais pas. C’était perdu. J’étais perdue.

Après une éternité de sanglots déchirants, de respirations hachées et de tremblements incontrôlables, je réussi à croiser de nouveau le regard de Blake. Mais c’était étrange comme je n’arrivais plus à penser. Il me semblait que je devais être vide, logiquement. Mais j’avais l’impression d’être si lourde.


- Blake ?


Petite voix fluette, minuscule. J’étais si faible.

- Blake, ça fait mal.

Égoïstement, entre deux larmes, je du m’avouer que j’aurais préféré que ce soit la fille qui était en train de me réconforter qui soit morte.
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Blake Earl



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MessageSujet: Re: No need to say goodbye [PV Alice]   Dim 13 Fév - 22:07

Une seconde, des heures. Un instant, une éternité. Quelque chose comme ça, un peu comme si toutes les larmes refoulées depuis notre naissance parvenaient enfin à s'échapper, crevant notre peau de leurs ongles agressifs. On ne pouvait rien faire, juste continuer à sangloter désespérément. Et combien de temps s'était-il écoulé ? Je ne savais pas. Ça n'avait aucune importance. Ce qui était important, c'était que Giulia, elle, ce petit pan de vie, elle l'avait jamais connu. Elle connaîtrait jamais rien d'autre. Elle avait vécu vingt-deux ans. C'était rien, vingt-deux ans. Surtout qu'on peut mettre à la poubelle les quinze premières années de vie, ça ne compte pas, pas vraiment, on n'a rien vu, on ne se connaît pas, ce n'est pas intéressant. Giulia était morte à sept ans seulement. Et de la manière la plus horrible qui soit. Mon imagination débordante se tordait dans tous les sens pour échapper aux flammes qui la léchaient, pour échapper à l'image de la jeune fille hurlant dans la fournaise. Mais elle n'y arrivait pas.

Les larmes se tarissent, au bout d'un moment. Je suis une experte des larmes ; j'en connais tous les genres par cœur. Je pleure tout le temps, quand je suis en colère, quand je suis triste, quand je suis joyeuse, un rien fait couler l'eau de mes yeux verts si brillants et dont je suis si fière. Mais ces larmes-là... Jamais je ne les ai vécues. Et elles me laissent épuisées, éteintes. Mes yeux, je ne les pressens plus. Les larmes, elles ont disparu. Je n'arrive pas à comprendre. Je pleure beaucoup, mais je n'ai jamais pleuré jusqu'à ne plus avoir de réserves en moi. Ça me blesse, je veux encore pleurer, je me force, mais je n'y arrive pas. Ça fait encore plus mal. On se dit que ce n'est pas normal de ne pas arriver à pleurer. Et je croise le regard brillant d'Alice. Elle, elle pleure encore.

C'était son amie, plus que la mienne. Je sais à quel point elles étaient proches. Je sais à quel point elles ne pouvaient se passer l'une de l'autre. Moi, je suis arrivée par erreur, par accident, un heureux accident, mais je ne suis qu'un chapitre dans le livre de leur vie, de leur amitié si profonde.

Le livre a brûlé. Sauf quelques pages ici et là, avec mon nom qui danse dessus. Je sais que ce ne sont pas les pages qu'elle aurait voulu sauver. Je sais que je fais intrusion dans son malheur en m'octroyant le droit de pleurer ainsi avec elle. Mais comment pourrais-je m'en empêcher ? Non, trois fois non, je n'ai jamais su me contrôler. Sa voix me perce et me bouleverse, me retourne le cœur et me noue la gorge si fort que pendant un moment, je ne peux plus respirer. Je suffoque.

Oui, ça fait tellement mal !

Je tousse, crache. Mon corps hurle de douleur, grince et proteste contre ma tristesse qui me tue, il me force à rester en vie, m'interdit de cesser de respirer. De quel droit se permet-il cela ? Je n'ai pas le droit de rester en vie ! Pas là, pas maintenant. Je devrais mourir pour laisser Alice seule dans sa peine et son deuil. Je ressusciterai plus tard.

Mais non, il ne veut pas. C'est Alice qui a le droit de mourir pour rejoindre son amie, pas moi. Moi, je dois la convaincre de rester parmi nous.

- Ça fait mal... parce qu'on est là.

Ma voix est rauque, à peine compréhensible.

- Elle a plus mal, elle. C'est toujours les autres qui ont mal.

Toujours. Tellement injuste. Mais a-t-on le droit d'être jaloux de celui qui ne souffre plus, alors qu'il en a payé le prix si élevé ?

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