La vie est loin d'être rose, elle est même plutôt noire ces derniers temps. Décocher un sourire sur le visage de Barney est de plus en plus compliqué. Nostalgique du passé, des rires des enfants qu'on entendait dans le jardin. Rien que de penser à Neil dans le coma... Barney a les poings qui se serrent. Il faut dire qu'en plus de la voix dans sa tête, son travail n'aide pas non plus. Garder des tombes toutes la journée n'a jamais donné la joie de vivre. Il en a marre. Chez lui, face à son évier, il est prêt à craquer. Il tient un couteau, et rien que ce geste lui fait mal au cœur. Dans sa tête défile sans cesse cette image, de son démon tranchant ses joues. Il lâche le couteau dans l'évier avec le fruit qu'il s'apprêtait à découper. Il est à bout. Pour le moment, personne n'est rentré à la maison. Il est presque six heures, ils ne devraient plus tarder. Mais Barney a peur, il a peur que ses enfants le voient craquer, peur de les voir tristes par sa faute. Peur de s'énerver contre eux, peur de leur porter malheur. Souvent, il se dit qu'ils seraient tous mieux sans lui, que ce soit les enfants ou même son seul amour. Il est nocif pour l'humanité selon lui, pas seulement pour lui. Mais à trop vouloir garder les choses pour lui, c'est bel et bien lui, et lui seul qui se détruit sans cesse. L'homme avait grand besoin de réconfort. Et le réconfort, une seule personne pouvait lui en donner. La seule personne qui n'avait pas besoin de dire un mot, pas même d'un sourire pour réchauffer le cœur du garçon. Michael et sa douceur. Michael et sa maladresse. Michael bourré qui veut manger des M&M;'s. Michael qui est encore moins à l'aise que lui alors que c'est un très bon acteur. Michael qui l'embrasse tendrement. Michael qui caresse sa peau amoureusement. Michael qui rit comme l'enfant qu'il est resté. Michael qui pleure comme l'enfant qui ne veut pas grandir. Michael qui crie comme un capricieux à qui l'on ne veut pas céder. Michael et son regard d'ange. Michael. Michael. Il prit donc ses clefs et ferma la porte, prenant soin de laisser un mot sur la porte indiquant qu'il reviendrait bientôt. Il reviendrait toujours, après tout. Même s'il était de plus en plus faible, même s'il avait de plus en plus mal, rien ne comptait plus que le bonheur de ses enfants. Leur avenir, leur sourire. Barney donnerait sa vie pour chacun d'entre eux. C'est pour cela qu'il prit le temps d'observer une dernière fois la photo sur le bord de la table, tous réunis, tous heureux. Neil, tout sourire qui pouvait respirer. Son cœur se serra une fois de plus, et d'un geste nonchalant il claqua la porte d'entrée afin de la fermer.

Il fallait qu'il fasse une pause, un break. Qu'il ne pense qu'à lui un moment, pour sortir la tête de l'eau. Il fallait qu'il ne voit plus de malheur, qu'il n'entende plus cet horrible rire. Il fallait qu'il ne voit qu'amour et douceur. Juste un instant. Juste un court instant.

Il ne prit même pas le temps d'envoyer un message à son amant, espérant simplement le voir. Ça aurait sûrement été plus simple de l'inviter à passer un moment avec lui par message, mais rien n'était jamais simple entre eux, c'était ça le problème. Alors qu'il se dirigeait vers chez lui, il s'arrêta non loin de sa maison, marchant jusqu'à la porte. Il hésita un instant, se trouvant ridicule, ne sachant pas quoi dire, n'osant rien. Planté là, il ne bougeait pas, attendant une sorte de miracle peut-être. Mais alors qu'il allait faire demi tour, la porte s'ouvrit. Face à lui Michael. Le cœur du rêveur ne fit qu'un bon, et il lui sourit maladroitement. Le regardant dans les yeux il marmonna « Je..je... » puis il se racla la gorge, passant sa main sur sa mâchoire. Il se décida enfin, et lui dit le plus assurément possible, « Michael... j'ai besoin de toi. » Il aurait aimé dire plus, dire le fond de sa pensée, dire qu'il avait besoin de sa peau, besoin de sa douceur. Il aurait aimé lui dire à quel point il était important pour lui, mais avant d'avoir pu dire un mot de plus il vit une petite tête derrière celle de son amant. Se penchant légèrement afin de l'apercevoir mieux, il découvrit le doux visage de Chris. Mal à l'aise à l'idée des mots qu'il venait de dire, il fixa Michael un instant afin de lui faire comprendre qu'il était désolé. Histoire de rattraper le coup il lança « Salut Chris ! », le tout accompagné d'un petit sourire, ne pouvant pourtant cesser de fixer son amant. Merde, qu'est-ce que le jeune homme allait penser, qu'est-ce qu'il allait dire. Barney savait que Chris fréquentait ses enfants et il n'était pas prêt à parler de ça avec eux. Cherchant tout et n'importe quoi pour changer de sujet, il regarda alternativement l'oncle et le neveu et dit « Ça tombe bien que tu sois là, Chris. Je venais inviter ton oncle à dîner mais c'est encore mieux si tu es là. » puis, se disant en quelques secondes que le dîner ne serait que malaise et inconfort, même s'il rêvait plus que tout de passer du temps avec Michael, tant pis si ce n'était pas ce à quoi il aspirait en premier lieu, juste sa présence suffirait, il ne put s'empêcher d'ajouter « A moins que vous n'ayez autre chose de prévu. Vous alliez partir après tout. » puis, d'une moue triste, il regarda Michael, s'apprêtant à faire demi-tour.

Même s'il ne croyait pas en la réponse positive des deux hommes, Barney attendait, espérant tout de même. Et il ne fallut pas longtemps à Michael pour s'adresser à son neveu, d'un sourire léger, Barney essayait de faire comprendre que ce n'était réellement pas une obligation. Il n'avait jamais eu pour habitude de faire passer ses intérêts avant ceux des autres et ce n'est pas aujourd'hui que ça allait commencer. Non pas qu'il n'en ait pas envie, parfois, mais il était bien incapable de jouer l'autoritaire et tout jeter par les fenêtres juste parce qu'il en avait marre.

Souriant à Chris qui s'absentait quelques secondes, Barney profita de ce moment d'intimité pour lancer à son amant « Je... désolé. Je savais pas que tu étais avec Chris. », il était réellement sincère. Mais avant que la conversation ne puisse réellement en devenir une le jeune homme était de retour. D'un simple sourire, il se tourna laissant les deux autres lui emboîter le pas. C'était tout de même assez drôle, comme situation, puisque Barney et Michael n'avaient jamais été proches en public, l'homme mourrait pourtant d'envie de saisir la main de son amant et éprouvait une certaine gêne de ses sentiments face à son neveu. Se tournant vers les deux hommes qui se trouvaient derrière lui, Barney lança « On prend ma voiture ? Je vous ramènerai, ne vous en faites pas. Et si tu as besoin de rentrer Chris, l'un de mes enfants pourra bien faire la route, si ça vous va ? » C'était juste pour que l'obligation passe mieux au final. Comme ça, il ne leur faisait rien dépenser ou quoi. Bref, à ses derniers mots, Barney se rendait compte qu'il n'avait pas vraiment pris le temps de dire les banalités d'usage et était directement passé aux grands mots. Alors qu'il se trouvait à quelques centimètres de sa voiture, il se tourna vers le neveu de Michael tout sourire lui demandant, le plus simplement du monde, « Comment vas-tu, Chris ? L'école ? Les amis ? Au fait, tu connais bien tous mes héritiers, ça ne te dérange pas de venir, hein ? »

C'était bête comme question, mais les Ray n'étaient pas toujours appréciés dans les parages. Sachant bien évidemment que connaissant Chris il y avait peu de chances qu'il ait une réelle dent contre l'un des enfants il préférait néanmoins poser la question, la situation étant déjà assez gênante, il n'avait pas besoin d'en rajouter involontairement une couche. Montant dans sa voiture, il lança un regard à la fois tendre et perdu à son amant. Étrange, cette sensation de vivre caché. Barney n'avait pourtant jamais vécu que dans l'ombre avec Michael, observant ses jolis sourires pour les demoiselles et les messieurs en soirée, et restant à l'écart de tout ça. Mais là, peut-être parce que c'était la première fois que le rêveur s'adressait directement à lui, voulant lui demander sa présence, il se sentait différent. L'espace d'un instant il se demanda même s'il ne valait mieux pas le dire à Chris, pour qu'il puisse avoir l'affection dont il a besoin en ce moment.

Oui, mais non. Roulant, tête en l'air, il ne pouvait s'empêcher de lancer de furtifs regards en direction de Michael, ne rêvant que de le prendre dans ses bras et lui dire toute l'affection qu'il avait pour lui, sentiments qu'il avait préféré taire jusque là. Il avait le cœur lourd et serré, mais laissait, pour ne pas changer, les apparences trompeuses. Barney avait l'habitude de ne pas montrer qui il était. Il ne disait pas qu'il avait un double, il ne disait pas qu'il avait mal. Il ne disait pas qu'il aimait, il ne disait pas qu'il détestait. Il ne disait jamais que quelqu'un lui manquait, il ne disait jamais que les gens le blessaient. Mais là, il avait vraiment besoin d'en faire part à l'homme qui pouvait tout changer. Pourtant, les révélations attendraient puisque Chris était là, et pour ne pas laisser de gros blancs s'installer, Barney parlait. De tout. De rien. Du temps. Il interagissait beaucoup plus avec le jeune Monroe dont il ne connaissait quasi rien, qu'avec l'homme dont il connaissait le moindre centimètre. Peut-être était-ce pour ne pas risquer de gaffer, de montrer ce qu'il ressentait sans vraiment le maîtriser. Il ne l'ignorait pas non plus, quand même, disons qu'il s'avérait distant. Il ne fallait pas longtemps pour faire la route, Kuyden étant une petite ville ils arrivèrent assez vite près de la demeure familiale.

Claquant la porte et lançant les clés de la maison à Michael il dit simplement « Vas-y, ouvre, je vais chercher quelque chose, j'arrive. » le tout accompagné d'un joli sourire à l'égard des deux hommes. Il passa sa main dans ses courts cheveux blonds avant de s'éloigner d'eux, passant derrière la maison. Il savait qu'aucun de ses enfants n'étaient ici, et il se laissa nonchalamment tomber contre le mur de sa maison avant de se murmurer un « quel con », et après avoir passé doucement les mains le long de son visage se diriger vers une toute petite parcelle d'herbe fraîche, près d'une sapinette, s'accroupissant et cherchant l'objet de son éloignement. Il ne lui fallut pas longtemps pour l'apercevoir, le petit hérisson qu'avait trouvé Michael lors de leur rencontre n'avait jamais quitté la demeure, flânant dans le jardin au plus grand plaisir des enfants qui le trouvaient absolument adorable. D'un geste doux, d'une douceur qu'on ne connaissait pas à l'homme, il laissa l'animal grimper dans sa main avant de lui sourire, comme au plus beau souvenir qu'il était.

Il se dirigeait maintenant vers la porte d'entrée, l'animal toujours dans la main, et passant la porte il lança à Chris. « J'ai quelqu'un à te présenter, Chris ! C'est ton oncle qui l'a sauvé, et grâce à lui je me suis retrouvé avec un nouvel enfant. », tout sourire, il lui tendit le hérisson qui se trouvait au creux de sa main ne manquant pas un tendre regard pour Michael, dont la simple présence réchauffait le cœur de l'homme.