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Mon Royaume pour un Lapin rose [Abel & Icare]

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MessageSujet: Mon Royaume pour un Lapin rose [Abel & Icare] Ven 13 Sep - 9:34


Trucide un Icare et sauve un lapin





L’After commence maintenant baby. On pionce vite fait bien fait et on bascule gentiment dans le monde bleu, chez Tonton Icare. Parce que ledit Prestidigit-amateur, le Roi du N’importe Quoi, a besoin de divertissement tonight. Pour son business c’est mieux. Hop hop et plus vite que ça. L’amusement à gogo c’est son credo. Lui en mettre plein la vue. Pétards, feux d’artifice, la totale. ALLUMEEEZ LE FEUU !

Pour l’événement, je suis sur mon trente-et-un. Un tutu rose bonbon par-dessus un pantalon de smoking troué (forcément à l’entrejambe, mais chut), un bonnet péruvien, un sourire de cancre, un sèche-cheveux dans une main et l'Franky mon Lapin rose dans l’autre. L’accoutrement parfait pour s’incruster à la cérémonie de remise de diplômes ou un mariage arrangé. Juste pour pisser dans les jardinières fringué comme un sorti de l’asile le plus proche. Et tous ces types coincés du cul et gominés, sur leur trente deux, et puis moi. Un beau mélange. Emmerder mon prochain, mon ambition dans la vie.

Cet air clownesque (et pas George Clooney malheureusement) égaré, hasardeux, résume ma condition plus-très-très-humaine. La solitude, c’est moche et cruel. Ça m’enlaidit, ça détruit ma récente manucure et mon brushing (alors que je n’ai pas un poil sur le caillou, mais passons). Je tape du pied, m’insurge contre l’injustice de demeurer dans un monde sans fin ni but ni aléas. Du fun à consommer à l’infini, buffet géant gratuit, certes, mais derrière tout ça, ce théâtre des illusions, que passa ? Je vous le demande, oui, à vous pauvre pécheur.

Sa gueule puante me nargue du coin de son antre. (Gueule = solitude, vous suivez, oui ou non ?) Laissez-moi seul deux minutes et je fais péter un building de cent vingt étages à la dynamite. Les explosions c’est mon domaine de prédilection si tu n’as pas compris, humble voyageur. Je ne suis pas un petit joueur. J’aime le « grandeur nature ». C’est toujours plus beau en rêve cela dit…CELA DIT. Je déconne là. Parce que…PAN PAN.

Dans l’noir, j’vois rien venir, ça sort de nulle part. Deux détonations ? Non une seule, c’est moi qui perds la tête. Je suis sourd d’une oreille probablement. Je roule des yeux dans tous les points cardinaux à m’en donner le tournis. La senteur de poudre me dérange l’odorat, c’est sensible ces choses-là. Je ne capte rien, je reste à l’affût du moindre mouvement dans cette très obscure obscurité ambiante. J’ai l’excellente idée de lever le bras et HORREUR. Un trou béant dans le cœur du Lapin.

‘MON LAP-P-PIN DE LAPO-P-P-PONIE. PU-PUNAISE LE MEC IL A BU-B-BUTE FRANKY. Enfoiré de sa marâtre.’

Flingue 1. Peluche 0.

Je câline le doudou en lui chuchotant à l’oreille. Ça va aller, tu vas survivre mon p’tit, je te le jure. Je cogne mon pied paniqué sur un corps tout soudain dans mon délire Roméo & Juliette. Je me baisse et ramasse un jeune homme. Je suis nyctalope à force. Je lui souris de toutes mes dents en mode Freedent. Je fais fonctionner un spot portatif de lumière que je porte autour du cou histoire d'illuminer mon illuminé.  
‘Hep toi là l'bbbb-beau gosse ! On t’a jamais appris à ne pa-p-pas tirer sur les lap-pp-pins ?’

Dans l’genre première rencontre express (et leurs yeux se rencontrèrent…) on a vu plus glamour je vous l’accorde. J’aimerais qu’il fasse ses excuses et qu’il paye les réparations. J’ai des principes moi monsieur ! En revanche, je n’ai pas la moindre idée d’où il sort le jeunot, s’il a tiré au pif en fou de la gâchette ou s’il est tout simplement innocent. J’me méfie de chacun d’entre vous, que vous ayez une gueule d’ange change que dalle à mon opinion déjà préconçue sur vous.

‘Rien d’cassé ?’

Je demande ça sans en penser un mot, par pur réflexe inconditionnel. Pas que je me fiche de votre existence, mais on vient de prendre pour cible mon seul ami, alors j’ai un peu les boules si vous voyez c’que j’veux dire. Je reste vigilant, au cas où le tireur cinglé revienne et me zigouille. En tout cas, j’ai interrompu un beau cauchemar, rajoutant sans doute mon grain de folie, sans faire exprès.

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MessageSujet: Re: Mon Royaume pour un Lapin rose [Abel & Icare] Ven 27 Sep - 0:15




WAKE UP !


Le rêve n'est pas quelque chose qui te dérange. Le rêve n'est pas quelque chose qui te perturbe. Peut-être parce que tu ne sais pas vraiment ce que c'est. Bourré d'alcool, d’anxiolytique, de tout ce qui peut faire en sorte que tu ne laisses pas ton cerveau faire des siennes. Tu n'as pas souvenir de ton dernier rêve, parce qu'il date d'avant ce jour où la mort t'a tendue la main. Ce jour déjà bien lointain qui t'a laissé oublier complètement tout ce qui a pu le précéder. Au lieu d'être un jour de mort, il est devenu le jour où tu as revécu, ou peut-être simplement survécu. De toutes façons, tu ne veux plus rêver, parce que quand tu rêves, tu ne vois que ton frère. Ton frère, face à toi, dans cette sombre plaine vide, déserte qui sonne faux. Tu vois ta vie, ta mère, ton passé, rire de toi et de ta naïveté. Tu vois ta connerie et ton innocence, à chaque fois. Tu vois tes larmes, ta peur, tes doutes et tu entends le coup de feu. Le bruit qui n'a pas quitté ta tête et qui occupe sûrement la plus grande partie de ton cerveau. Ce bruit sourd et tout qui disparaît. A chaque fois tu te réveilles en sueur, toujours avec les mêmes regrets, le même pincement au cœur. La même envie de cogner sa tête plutôt que de lui dire que tu l'aimes. L'envie de retourner son arme plutôt qu'espérer qu'il changera d'avis. Mais ce n'est qu'un rêve, et les rêves ne changent pas la réalité, ton rêve n'est qu'un vieux souvenir amer.

Mais pourtant, ce soir, peut-être pour un dernier espoir, pas de médicament, pas de whisky, pas de vodka. Ce soir, simplement ton lit et toi. Le sommeil est long à venir, peut-être parce que le marchand de sable ne passe plus au dessus de ton lit depuis des lustres, trop habitué à voir ses comparses les vices le faire pour lui. Mais il finit par venir, et doucement tes yeux se ferment alors que ta chevelure blonde prend ses plis sur l'oreiller. Un peu tendu, tu ne te trompes pas. Il ne faut pas longtemps pour que tu te retrouves face à ton frère. Tu aimerais réagir autrement, si tu ne peux pas changer la réalité, tu peux changer ce cauchemar en rêve, pour une fois.

Juste cette fois. Mais pourtant non, rien ne change. Il te regarde et tend l'arme vers toi. Tu pleures, et tu te retrouves à terre en quelques secondes. Alors que tu t'apprêtes à te réveiller, tu entends une voix, une voix que tu ne connais pas, ce n'est pas Caïn. Peut-être avais-tu laissé la télévision allumée, et te retrouves tu dans un entre-deux ? Tu rouvres les yeux, et au lieu de voir ton lit et ta chambre, tu es à terre. Encore. Passant discrètement une main sur ton épaule, tu ne vois pas le sang perler, tu ne ressens aucune douleur.

Tu tentes délicatement de te relever et un homme est à côté. Il ne ressemble en rien à ton frère. Il a une tenue pour le moins étrange et une peluche qui semble avoir subit ton triste sort. Abasourdi, complètement sonné par ce bouleversement de situation tu ne réagis pas tout de suite. Tu es debout et au lieu de murmurer un merci tu n'arrives qu'à sourire, un peu gêné, un peu perdu. Difficile de dire. Mais l'homme te parle, et alors que tu en as oublié ton pire cauchemar tu fixes le lapin troué avant de secouer légèrement la tête et lui répondre, le regardant autant que sa peluche.

« Je... je crois pas. Je... mais... votre... lapin ? » comme si c'était la chose la plus importante du monde. Comme si tu voulais épargner cette pauvre bête. Tu frottes tes mains pleines de terre avant de déchirer un bout de ton tee-shirt et le tendre maladroitement à l'homme en ajoutant.. « Vous... j'ai que ça, pour panser ses blessures... je... je peux vous aider ? »

Quelle drôle d'idée, alors qu'un homme en tutu se balade dans ton cauchemar de toujours, au lieu de partir en courant et en hurlant que tu vas sûrement mourir étouffé par un lapin en peluche au lieu d'une balle et que tu n'as rien fait pour mériter ça, tu veux l'aider. Peut-être est-ce simplement que tu ne veux pas rester seul ?



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MessageSujet: Re: Mon Royaume pour un Lapin rose [Abel & Icare] Sam 5 Oct - 1:21


Le petit lapin est mort





Folie, joliesse, folie aigre, folie douce, folie aigre-douce. Une thérapie universelle. Mon art de vivre. La philo-folie. C’est le monde à mes pieds chaussés de pantoufles pelucheuses jaune fluo. La dialectique du garant de la paix et du garant du désordre. Bref, l’opium du petit peuple. La transsubstantiation du sain d’esprit en frustré de la vie. La physique quantique des molécules inciviles. C’est tout ça et tout rien à la fois la folie.

Mon monde à moi, c’est le substrat mental d’un gamin de trois ans et demi. Et là c’est le drame, la venue de l’antéchrist. Le petit lapin est mort. Explosé le bébé, défoncé en pleine poitrine, le coton a noirci, pas moyen de faire taire la panique qui monte dans ma gorge crescendo, envahissant les cordes vocales qui n’expriment plus qu’un malheureux borborygme. Entre sanglot et rage. Ma raison de vivre vient de rendre l’âme. Mille pensées me traversent alors : vengeance, sépulture, oraison funèbre, thanatopraxie et j’en passe. Tout mais PAS ça. J’ai peur, maman. Aidez-moi.

J’ai sauvé un gamin mais j’ai sacrifié Franky. Je me déteste au plus haut point. Qu’ai-je donc fait seigneur ? Je savais que j'aurais dû prendre une assurance tous-risques pour le lapin. Toutefois, la bonne nouvelle de l'histoire est que le petit homme se porte comme un charme. Je n’aurai pas de vieux remords qui m’assailliront le restant de mes jours à croupir ici. Mais quand même. Je ne veux pas remplacer mon ami…

« Accident de trav-v-vail. Il va…il va falloir op-p-pérer. Ssssuis Icare, mais on s’en…fout. »

Je sors une trousse de secours de…je ne sais pas trop d’où en réalité (me demandez pas les détails de cette acquisition, merci). En tout cas, mon nécessaire à couture devrait me permettre de rafistoler la pauvre créature gisant entre mes mains à l'agonie. Je me sens dé-ses-pé-ré. J'espère que vous vous en rendez compte, que vous mesurez l'ignominie de cet acte, de ce crime contre l'humanité et l'animalité ! L’inconnu fait profil bas, il s’inquiète de l’état critique du lapinou (c’est un être vivant comme vous et moi pardi) et me tend un bout de son T-shirt que je chope en ruminant et hochant la tête d’un air mi-mécontent, mi-reconnaissant. Là je dois dire qu’il marque des points le jeunot. Peut-être que je ne vais pas le haïr. J’ai dit « peut-être ». Affaire à suivre…

« Dis…dis-moi ce …c’que c’est…ce bordel. L’mec qu-qui a tiré, tu l’connais ? Je v-vais lui faire…la peau. »

Je menace beaucoup pour un résultat médiocre finalement. S’il rapplique le déglingué, je me barre sans même me retourner. Il ne faut pas me le répéter deux fois. Je rentre direct dans ma tanière anti-atomique et n’en sors plus jusqu’à nouvel ordre. Tout à coup, j’ai peur pour notre sainte sécurité…A mon tour d’aider mon prochain. Je déniche dans mon barda phénoménal un gilet pare-balles. J’offre à mon nouveau pote de l’enfiler, juste au cas où le zinzin reviendrait nous prendre pour cible…on n’est jamais trop prudents de nos jours. Y’a des mamies qui se font agresser dans la rue, si si, c’est vrai puisque je vous le dis ! Donc gare, gare.

« Il v-va rev-venir p-p-pour tous nous flin…guer ? »

Je jette des regards anxieux à mon compagnon. J’ai peur de ma propre ombre. C’est le moment adéquat, c’est maintenant qu’il est censé me dire avec sa voix de Superman : « mais non, gamin, je vais te protéger, personne ne fera de mal à toi ou Franky, fais-moi confiance, je le zigouillerai avec mes rayons lasers… ». En constatant la frêle constitution du garçon, je me doute bien qu’il ne me sortira pas une réplique optimiste. Mais on peut toujours rêver, non ?


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MessageSujet: Re: Mon Royaume pour un Lapin rose [Abel & Icare] Lun 4 Nov - 19:07



Am I mad ?


Pourtant la solitude ne fais parfois pas de mal gamin, elle peut te sauver de la folie, surtout en cet instant. Face à cet homme dont tu ne connais rien tu risques de perdre bien plus que de gagner. Faut dire, entre nous, il a l'air un peu barge, non ? Mais sans que tu ne puisses réagir plus que ça, il prit la parole. Que... quoi ? Tu le fixais avec tes grands yeux, de grosses billes enfantines sans rien comprendre de ce qu'il disait. T'aurais pu attribuer ça au bégaiement mais à vrai dire c'était plutôt à cause des mots de l'homme. De quoi pouvait-il bien parler ? Il avait dit s'appeler Icare, mais tu n'étais pas vraiment sûr de pouvoir le croire, peut-être qu'il parlait du lapin, ou d'un ami imaginaire que tu ne voyais pas.

Difficile de savoir, difficile de comprendre, difficile à entendre. Dans ce monde, tu ne comprenais pas souvent ce qu'il se passait mais là ça dépassait toutes les autres fois. Tu le regardes, tu lui tends toujours le bout de ton tee-shirt. Face à lui tu ne sais pas vraiment comment réagir, c'est un peu du lard ou du cochon, ou une vache, ou une poule, ou peut-être un brin d'herbe, et pas celle du sol. C'était pire que le monde d'Alice, le chapelier fou n'avait qu'à bien se tenir, Icare lui foutait un grand coup de pied au cul avec sa folie. Et le chat du Cheshire, il pouvait ravaler son sourire face au lapin rose. Tu ne savais pas trop quoi faire, jusqu'à ce qu'il s'adresse directement à toi.

Avant même que tu ne puisses ouvrir la bouche pour lui répondre -ou tenter de lui répondre, parce que t'es pas sûr d'avoir tout suivi-, il te donne un gilet pare-balles. Mais... comment ? L'espace d'un instant t'en arrives à te dire que c'est pas possible. Même pour un rêve. Sérieusement, t'as pris quoi ? On t'a pas filé la bonne tisane pour en arriver là. Mais pourtant tu mets le gilet sur toi, sans même trop comprendre le pourquoi du comment, parce qu'après tout, on s'en fout ? Enfin, tu prends enfin le temps d'ouvrir ta bouche, un peu hésitant, pour lui dire. «  Heu... oui... non... peut-être ? Je... je le connais. Mais... tu veux vraiment le chercher... ? »

Oui, tu. Parfaitement, parce qu'au point où on en est, sérieusement... pas de chichi entre nous. Et l'homme ouvrait une fois de plus la bouche. Ton cœur faisait un tour, à l'envers vu comme ça fait mal. Est-ce qu'il allait revenir ? Tu n'en avais pas la moindre idée... Parce que tu n'avais jamais eu de Icare dans ton rêve. Parce que normalement c'est le moment où tu crèves et pas ce pauvre lapin rose. Alors tu ne sais pas. Mais au regard de l'homme tu comprends qu'il aimerait que tu lui dises qu'il ne reviendra jamais. T'as ton gilet sur toi, et il a des tâches de peinture. Un peu comme un gilet de paintball. Tu ne cherches pas plus longtemps, regardant tes mains qui venaient d'arrêter de trembler tu fixes ton sauveur une petite seconde, alternant avec le lapin. Et enfin tu ouvres la bouche, toujours incertain. «  N...non, il reviendra pas. Non, parce qu'on va pas rester là, d'accord ? T'as dit qu'il fallait l'opérer... il s'appelle comment ? » Lapin rose, pauvre con, c'est une peluche. Tu pouvais t'attendre à ça, mais au fond de toi, tu savais qu'il avait un nom.

Peut-être parce qu'il l'avait dit mais que t'avais pas trop assimilé, ou peut-être parce que dans cette folie tout cela n'était que logique. Alors tu te relèves doucement, tu regardes autour de toi, espérant ne pas le voir et tu lui tends la main. «  Icare ? Tu... tu veux bien que je t'aide ? » tu ne peux t'empêcher d'arrêter de regarder à droite à gauche. A gauche, à droite. Il est pas encore là, ton cœur bat vite, fort, il fait mal. Mais t'es pas tout seul, putain, t'es pas tout seul. Alors tu lances, «  Et je m'appelle Abel. Mais tu peux m'appeler comme tu veux. »




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MessageSujet: Re: Mon Royaume pour un Lapin rose [Abel & Icare] Dim 17 Nov - 14:52


Be happy





Est-on sûr qu’il n’est pas le tonton flingueur ? Est-on persuadé de sa sincérité ? A-t-on prouvé son innocence ? Non, Icare, tu dois te méfier, ne te laisse pas embobiner. Tout l’monde il n’est pas beau, tout l’monde il n’est pas gentil. Le gamin, c’est son songe, sa réalité, sa responsabilité. Sa faute aussi indirectement.

« J’veux…pa-pas le chercher. Trop…dan-gerr-reux. »

Je tiens à tous mes organes moi monsieur. Du petit orteil (pied droit) à ma tache de naissance derrière le genou. Es-sen-tiels. Toutes « nos cicatrices ont le mérite de nous rappeler que le passé n’a pas été qu’un rêve ». Chaque marque sur mon épiderme a sa jolie petite histoire à raconter. Mais là n’est pas le problème, il y a plus urgent. La vie du lapinou ne tient plus qu’à un fil à coudre. Je sors les gants de latex, je stérilise l’aiguille à l’aide d’un briquet.

« Franky. Son nom. Ma seule...fa-m-mille. Tu-tu crois…qu-que le paradis des lap-p-pins roses existe ? »

J’veux pas qu’il rende l’âme. J’ai besoin de lui. On vit, on meurt, mais ce n’est pas son heure à lui. Je m’étonne que le garçon se préoccupe de ma peluche. J’ai bien conscience que les autres ne comprennent pas à quel point je suis sentimental. Je considère le Casanova d’un air pseudo sceptique, pseudo euphorique.

« D’accord, Abel. Tiens-le. Comme…ça. »

Je dépose le petit être à fourrure rose dans ses mains et rafistole le tout avec une habileté qu’on ne soupçonnerait pas. Ma licence en couture va enfin servir. C’est comme les bombes : un travail méticuleux qui demande concentration et dextérité. Les mots du jeune homme me font l’effet d’un tranquillisant.

« Il va…v-v-vivre. »

J’ai l’impression d’être dans une série à la Grey’s Anatomy. Happy ending. L’enfant va bien. La mère aussi, hourra. Mais le bonheur ne dure pas. Ce n’est pas l’endroit idéal pour converser. J’entraîne mon bonhomme à ma suite. Le rêve noir permute. Des flashs de couleur nous aveuglent. On se retrouve dans un champ de tournesols, soleil splendide, paysage « Petite Maison dans la prairie ». Nous sommes loin du cauchemar, du tonnerre des coups de feu.

« Raconte-moi. P-pour-pour…pourquoi IL a v-voulu te tuer ? »

Je lui laisse tenir le lapin encore un moment, peut-être que ça lui donnera du courage, peut-être qu’il ne fera plus ce cauchemar, jamais. J’aimerais l’aider, lui proposer une thérapie. Bienvenue chez les mal-aimés de la life anonymes. « Salut, moi c’est Franky, je suis un lapin rose et je viens de me faire tirer dessus. » Autre version : « Moi c’est Icare l’acrobate, je me suis fait enfermer ici par une pouf. Depuis je me parle tout seul, car personne ne me parle. »

Une existence insipide en somme. Je suis heureux et malheureux et j’sais pas comment ça se fait. La prétention de devenir quelqu’un de bien m’est passée. La rédemption, toutes ces conneries, ces prêches débiles, j’ai arrêté. Je m’étais dit que tout recommencer à zéro, faire table rase, ça me ferait progresser. Eh bien j’me foutais le doigt dans l’œil. Ça m’a mené nulle part. Toutefois, en aidant Abel je me sens finalement utile. Je me raccroche à cette idée comme un castor à son barrage sur la rivière. J’aimerais y croire, j’suis pas qu’une mauviette. J’aimerais croire que le battement d’aile d’un papillon peut changer la face de l’univers.



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