Sous-profil : Messages : 254 Date d'inscription : 30/10/2021 Age : 23
Faîtes de beaux rêves Situation sentimentale ♥ : Groupe : Midnigters Avatar : Mads Mikkelsen Prince Charmant
Sujet: Discombobulate || Icare ♣ Sam 19 Oct - 17:00
On croit que rien ne change jamais. Que la vie n'est qu'un éternel recommencement, qu'il s'agisse de temps obscurs comme le Moyen Age, ou de notre époque soit disant "moderne". On espère, au final, qu'on pourra changer un quart de poil de centimètre de cette vie trop tranquille, de ce long fleuve qui ne rime pas plus à quelque chose qu'il n'est que tranquillité. Concept bien particulier s'il en est. Surtout quand des éléments complètement inattendus, réellement incontrôlables, viennent mettre leur grain de sel. Colqhoun était de ces gens là. Il était de ces hommes qui croient que le temps ne file que si on ferme les yeux, que l'étrangeté ne prendrait jamais prise sur sa Lande autrement que si lui ou son cheval en avaient décidé ainsi. Ce n'était pas se repaître dans une pseudo assurance, mais bien faire confiance en ses capacités. Les rêves ici, ailleurs, n'avaient jamais failli. Du moins pas avant qu'il n'arrive à Kuyden. Que tout soit bouleversé par cette étrange teinte bleue, qu'il se rende compte qu'il pouvait voyager et vivre des aventures tout autres que celles qu'il avait l'habitude de connaître. Parce qu'il lui était arrivé de partir ailleurs. De voir de nouvelles époques, de perdre un oeil au passage, de se grimer, de vivre différemment. Sans que cela n'ait bouleversé le cours des choses. Ce n'était, après tout, qu'un rêve. Un seul et simple rêve.
Pourquoi alors celui-ci aurait-il été différent des autres rêves ? Pourquoi cela changerait-il ? La Lande était la même. L'homme était toujours le même, engoncé dans son lourd pourpoint de cuir, ses tresses brunes claquant sur son visage à mesure que le vent capricieux les emportait. Son cheval de jais était toujours le même, la dague à sa ceinture n'avait pas changé. Même la croix, au beau milieu de sa Lande, son royaume, son domaine, n'avait pas l'air d'avoir changé. Tout était à sa place, dans un ordre reposant, rassurant même. Alors il ne se doutait pas qu'il aurait de la visite. Et que ce visiteur le mènerait probablement à sa perte. Mais je digresse, continuons à nous concentrer sur le guerrier. Assurément rien ne se profilait à l'horizon. Les nuages, lourds, vifs, continuaient leur course incessante dans le ciel. Comme à leur habitude, chargés de pluie, ils menacèrent par une brève averse qui força l'Epervier comme sa monture à s'abriter à sous un chêne bicentenaire, en attendant que l'ondée passe. Une bourrasque plus dangereuse alerta pourtant les sens de Colqhoun. La Lande semblait plus colérique que d'habitude. Et ces accès étranges de fureur n'avaient lieu que depuis peu. Depuis que les rêves s'étaient teintés de bleu. Poussant son cheval, il abattit la bride pour galoper en direction de la Croix. Récemment, il avait remarqué que c'était de là que se passaient, voire passaient, tous les éléments étrangers. La Croix Celte, magnifique du haut de ses 10 mètres de pierre finement ciselée, agissait comme un portail. Aller, comme retour. Elle laissait passer les gens, les ombres, Colqhoun, sans se poser de questions. Et peut-être que cette fois, si la Lande se rebellait, c'était que quelque chose arrivait. Sur la défensive, Colqhoun porta sa main à sa ceinture pour attraper sa dague. Quoi que ce soit, ça bouleversait absolument tout le rationnel de son univers. Un grain de sable dans un rouage bien huilé, qui bloquait tout, et provoquait la fureur de la mécanique. Même si, dans son état d'esprit, il était encore trop obsolète pour faire ce genre de rapprochement.
Serrant les dents, faisant fi de la tempête qui grondait alentour, il garda le regard rivé sur la Croix. Son cheval tapait nerveusement du sabot dans l'herbe ruisselante de pluie, protestant en soufflant à travers son mors contre la décision de son cavalier. Si ça n'avait tenu qu'à lui, il aurait filé sans mot dire. Mais c'était le guerrier qui tenait les brides. Et n'avait pas l'air de vouloir les lâcher. Lui n'avait pas peur. Si quelqu'un ou quelque chose devait arriver, ami ou ennemi, "ça" aurait affaire à lui. Et "ça" commençait à se rapprocher. Devant ses yeux, pourtant embrumés par la pluie, il vit la Croix se distordre progressivement. D'abord floue, elle semblait grossir, se tordre, arrachant un bruit de tonnerre derrière le guerrier comme sa monture. Quoi que ce soit, c'était puissant. Fort. Et son royaume, basé sur les caractériels Highlands Ecossais, n'aimait franchement pas ça. Nouveau coup de tonnerre, plus proche, alors que la Croix s'effaçait progressivement pour laisser apparaître l'ombre d'une forme minuscule, mais terriblement menaçante. Colqhoun avait appris à se méfier des intrus, maintenant. Et qu'aussi petite soit l'intruse, elle pouvait néanmoins le faire sombrer dans des abysses desquelles il ne pourrait que se réveiller. Hors il ne le souhaitait pas. Alors il rabattit la bride pour pousser son cheval vers la silhouette. L'animal protesta à peine, conscient que c'était peine perdue. Et cavala en direction de la forme, qui commençait maintenant à prendre quelques couleurs. Au paroxysme de la tension, le guerrier finit par sortir relâcher sa dague pour enrouler ses doigts autour de la poignée de son épée, attachée dans son dos. Il la fit tournoyer pour mieux en assurer la prise dans sa main, l'arme rendue glissante à cause de la pluie. Plus que quelques mètres. Plissant les yeux alors qu'ils réduisaient la distance d'avec la créature, il était prêt à attaquer. A mieux la voir.
C'était... C'était... ...Un lapin rose ?
Perplexes, cheval comme cavalier s'arrêtèrent net. Léché par la pluie, achevant de se matérialiser devant leurs yeux trônait une grosse masse de fourrure avec un étrange sourire machiavélique. Dangereux, peut-être, mais de là à considérer cette forme comme un danger, il y avait un pas énorme. Pour peu qu'il ne tint pas aussi fermement son arme, Colqhoun aurait fait tomber son épée de surprise. Ca ressemblait bel et bien à un lapin. Ca en avait la truffe, le regard en épingles noires, les grandes oreilles Alors l'Epervier descendit de sa monture pour mieux inspecter l'animal. Dubitatif, il rompit les derniers centimètre qui les séparaient et empoigna ce qui semblait être le crâne de l'animal. Une peluche... ? Mais... Comment ? Même en la regardant sous tous les angles, à part constater qu'elle était maintenant devenue une éponge à force de traîner sous la tempête, elle n'avait rien de particulier. Juste un gros lapin duveteux avec son sourire, ses oreilles, et quelques traces d'usure sur les pattes. Jusqu'à ce qu'une voix résonne dans son dos, le poussant à relâcher la bête pour se retourner vivement, l'épée en main, vers le réel intrus.
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Take me, take my letters, take my photos, take the sun You can take my heart Cause I ain't gonna need it on the run
Le voyageur tranquille peut se repaître du paysage d’une Lande au parfum glacé que charrie le vent, vent du nord s’efforçant de vous faire ployer sous l’effort incommensurable, vous rappelant votre triste condition d’homme mortel. Le touriste, quant à lui, s’aventure, carte et boussole en main, cherchant les signes d’une civilisation perdue. Or je ne suis ni l’un ni l’autre. Je suis l’homme intranquille. Et ceci est un euphémisme grandiloquent.
Comment me suis-je retrouvé dans cette panade, une horde de cannibales à mes trousses ?
Pour le savoir, il nous faut revenir quelques épisodes en arrière, quand, en toute innocence de cause, j’ai joué au téméraire. Le couloir cauchemardesque est un lieu d’infinies possibilités. Tu ouvres une porte, tu disparais ailleurs et ainsi de suite. C’est un passe-temps comme un autre. J’ai misé gros sur ce coup-là. C’est fatiguant les allers-retours. De plus Franky mon lapin rose pas très futé m’attire systématiquement des ennuis. Il a eu la bonne idée d’appuyer sur le détonateur d’urgence. Ce dispositif est seulement destiné à me sauver les miches en cas de grosse bêtise. Pour le coup, cela ne se justifiait guère. Le premier BOUM déclenche une réaction en chaîne. Je bats des mains, it’s magic eveywhere.
Le courroux du ciel me retombe dessus. Une cohorte primitive – un pagne et des lances affûtées poussant des hurlements barbares – s’est lancée à ma poursuite. Je crois qu’ils n’ont pas apprécié le feu d’artifice à sa juste valeur. Un tel manque de goût, c’est une honte. J’ai pensé leur échapper pendant la mi-temps. Cependant, le match a repris de plus belle dans d’autres rêves bizarroïdes. Stargate Universe. Paris Belle Epoque. Pompeï. Ce cache-cache géant m’amène donc dans cette Lande moyenâgeuse, là où se joue ma destinée.
Je tombe fesses les premières au bord d’un menhir genre Stonehenge. Charmant. Il manque quelques graffitis du style : Kevin aime Kimberley. Je m’extasie deux secondes avant de me rendre compte que Franky a atterri plus loin, près d’une croix très Empire State Building. Des cannibales rôdent et lui il se permet de jouer au touriste, ben bravo. Je me console en me disant que j’étais pareil à son âge…impossible à éduquer, un gosse jusqu’à la fin des temps. Il mériterait l’engueulade du siècle, mais gérons d’abord les priorités.
En mode furtif (combinaison militaire ultra-secrète, arbalète avant-dernière génération, couverture de feuilles discrète), je me faufile jusqu’au sieur. Dois-je le héler pour récupérer ma propriété ? Je ne m’adapte décidément pas au changement d’époque. J’ai envie de déclamer du Shakespeare dans le parc.
« Hey l’m-mo-monarrr-que, pas touche à Frrrankyyy ! Lâ-lâche le couteau. »
En effet, cette chose pelucheuse et rose est baptisée. Elle a une âme et une identité à part entière. Je n’ai pas l’temps de finir les présentations que les indigènes se manifestent en contrebas avec des sortes de borborygmes censés faire peur, pfff, pathétique.
« A votr-tre pl-l-place, monseign-eur je courais… »
C’est reparti pour un tour. J’embarque le lapin et commence à imiter Forrest Gump – regardez ce déhanché magnifique et élégant, cette noblesse passagère dans le geste, cette mécanique divine, ces muscles saillants, voyez comme cet Usain Bolt a le feu au derrière. Je suis toujours obligé de faire mon intéressant.